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200 millions d’euros pour planter 50 millions d’arbres en France… Mardi 22 décembre 2020, le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie annonçait en grande pompe « le plus grand plan de reboisement depuis l’après-guerre ». Rien que ça ! Oui mais voilà : à qui va vraiment profiter ce plan ? Paradoxalement, ni la forêt, ni la biodiversité… Apprenons à nous méfier des effets d’annonce : il s’agit surtout et avant tout d’aider une filière bois en crise à s’adapter au changement climatique, par des plantations de « champs d’arbres » non indigènes qui, selon les scientifiques, vont même avoir des effets aggravants sur les émissions de C02…
Dans une tribune publiée sur le site Rue89, l’ingénieur écologue Jean-Claude Génot n’y va pas par quatre chemins. Pour lui, « Ce programme de ‘repeuplement’ est en fait un plan de relance de la filière bois qui souhaite majoritairement des résineux, alors que la forêt française est dominée par les feuillus. Il ne sert pas l’intérêt général mais les intérêts des pépiniéristes, des coopératives forestières et de l’ONF (Office national des forêts), aux abois sur le plan économique depuis que l’Etat ne compense plus son déficit. »
Les coupes rases : une catastrophe écologique
Le temps de la forêt n’est pas celui de l’industrie forestière : quand une forêt naturelle met plusieurs siècles avant d’arriver à maturité, un « champ d’arbres » met quelques dizaines d’années seulement avant d’être en âge pour passer à la scierie.
En France, les lois actuelles qui encadrent la gestion forestière sont beaucoup trop laxistes, et en décalage complet avec les ambitions affichées de lutte contre le changement climatique et de sauvegarde de la biodiversité. Les coupes à blanc de forêts de feuillus, notamment, suivies de plantations de pins Douglas dans un sol compacté par les immenses engins sylvicoles et pollué d’engrais et de pesticides chimiques, sont des pratiques absolument catastrophiques pour l’environnement : promenez-vous dans une monoculture de pins Douglas un jour de printemps, et vous serez consternés par l’absence angoissante de fleurs, d’insectes et de chants d’oiseaux…
Comme l’explique JC Génot , « la forêt est composée d’espèces autochtones d’âges divers, adaptées au sol et au climat local, issues de régénération naturelle, où vivent une faune et une flore spécifiques liées à l’ambiance forestière (…). Un champ d’arbres, à l’inverse, est une monoculture d’espèces allochtones d’âge unique, très pauvre en biodiversité forestière et fragile face aux tempêtes, aux insectes et aux herbivores. C’est un espace monofonctionnel dont le seul but est de produire de la biomasse pour l’industrie. »
Les plantations d’arbres : des effets néfastes sur le climat
Mais pour le scientifique il y a plus inquiétant encore : non seulement ces plantations de résineux ne permettent pas de lutter contre les effets du réchauffement climatique, mais elles les aggravent ! Une forêt gérée en cycle court va provoquer, par son exploitation en coupe rase, un « relargage du carbone contenu dans la biomasse, le bois mort, l’humus et le sol. » Tout le contraire d’une forêt que l’on laisse vieillir : en effet, plus les arbres sont anciens, plus ils absorbent de carbone.
De plus, selon le scientifique, une plantation de résineux « diminue la capacité des arbres à réfléchir les rayons du soleil, augmente la capacité des arbres à laisser passer la lumière et favorise l’évapotranspiration du sol. ».
Travaillons avec la nature, pas contre elle !
L’ASPAS, à sa modeste échelle, acquiert à travers son programme de Réserves de Vie Sauvage® des parcelles de forêts pour leur assurer une protection maximale, en libre évolution, échappant à toute exploitation. Ce faisant, nous voulons inciter nos gouvernants à en faire de même avec la forêt publique, notre bien commun à tous. Il ne s’agit évidemment pas de réensauvager la France entière (le bois est une matière première indispensable pour les activités humaines), il s’agit d’adopter une politique qui agisse avec la nature, et non pas contre elle : arrêtons les exploitations destructrices (coupes à blanc), préférons des techniques de sylviculture plus respectueuses des écosystèmes, et surtout : augmentons drastiquement le pourcentage de surfaces strictement protégées, pour redonner toute sa place au vivant !
Par ailleurs, de plus en plus d’études tendent à montrer que la régénération naturelle est généralement plus efficace pour lutter contre les effets des changements globaux et minimiser le déclin de biodiversité. La première action à mener par l’État devrait donc plutôt être d’encourager les pratiques permettant une telle régénération (qui en plus coûte moins cher à mettre en place) et seulement dans un deuxième temps de promouvoir la plantation d’arbres dans les zones trop dégradées, afin de réactiver le processus naturel de la reforestation spontanée.